Unité 5
Art et mémoire

Aperçu
L’Holocaust représenté par les arts

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L’Holocaust représenté par les arts

Outils éducatifs

Demandez-vous :

  • L’art durant la période de l’Holocauste est unique dans sa façon de représenter le temps et l’espace. En quoi les tableaux et les dessins créés au cours de cette période sont-ils différents de ceux d’autres périodes importantes de l’histoire?
  • De quelle façon aborderiez-vous l’Holocauste sur le plan artistique? Quelles sont les principales questions auxquelles vous aimeriez répondre avant de créer une œuvre d’art en réaction à l’Holocauste?
  • Comment Daniel Libeskind, architecte de renommée mondiale, commémore l’Holocauste avec ses monuments et ses musées?
Daniel Libeskind, architecte de renommée mondiale, discute l'importance des monuments et des mémoriaux qui commémorent les droits de la personne

Daniel Libeskind, architecte de renommée mondiale, discute l’importance des monuments et des mémoriaux qui commémorent les droits de la personne

Dans cette section, l’Holocauste peut être abordé par une étude des arts et de l’histoire de l’art, en observant comment les victimes ont utilisé les arts pour exprimer la résistance, le désespoir ou l’espoir. En observant ce que nous savons actuellement sur la vie dans les ghettos et les camps, vous pourriez aborder les œuvres en tant que faits historiques.

Constatez la valeur de ces représentations artistiques en examinant et en observant les œuvres des victimes vivant dans les camps, les œuvres d’artistes qui commémorent l’Holocauste et leur interprétation au moyen de l’art contemporain par des élèves et des enseignants actuels

La puissance de l’art de l’Holocauste

L’art comme moyen d’échapper à la réalité

L’art, en tant que réaction ou acte de résistance aux éléments structuraux de la société, a joué de nombreuses fonctions qui n’ont pas toujours été documentées. La création d’œuvres d’art a permis aux artistes de combler le vide existentiel dans lequel ils étaient plongés en les reconnectant à leur créativité passée. L’art, en tant qu’acte de création, devenait un moyen de s’évader lors des longues heures d’oisiveté.

L’art comme monnaie d’échange

Les œuvres d’art ont également joué un rôle fonctionnel dans les relations, comme monnaie d’échange ou pour le troc. Souvent, les administrateurs des camps demandaient aux artistes de faire des portraits à partir de photos ou les codétenus leur demandaient de peindre un membre de leur famille. Cet échange permettait parfois à l’artiste d’obtenir une meilleure nourriture ou même d’envoyer des messages par la poste à leurs proches.

« Esther Lurie : J’ai réussi à mettre la main sur un crayon et des bouts de papier. J’ai commencé à dessiner les différents types de femmes parmi les prisonnières. Des jeunes filles qui avaient des « amis » chez les détenus et qui recevaient des cadeaux sous forme de nourriture, me demandaient de dessiner leur portrait. Le paiement : un morceau de pain. »

Esther Lurie

L’art en tant que lien avec le monde extérieur

L’art, qu’il soit produit ou échangé, a joué un rôle important pour les créateurs, leur permettant de se divertir et de tisser des liens, tout en accédant à une petite distraction et en obtenant parfois de petits gains matériels. Les actes de résistance de nombreux artistes visaient à rejoindre le monde extérieur et à informer les personnes se trouvant « de l’autre côté de la clôture » sur les conditions de vie dans les camps. Ces actes de résistance particulièrement courageux entraînaient souvent des conséquences désastreuses, comme ce fut le cas pour Karl Fleischman et Leo Haas, détenus dans le « ghetto modèle » nazi de Theresienstadt.

À l’été 1944, les quartiers des artistes ont été fouillés avant une visite de la Croix-Rouge afin d’interdire la contrebande de tableaux représentant la réalité du camp. Les nazis cherchaient la source de la contrebande d’art qui montrait la terrible réalité de Theresienstadt au monde extérieur.  M. Haas et M. Fleischman ont été interrogés et torturés, mais ils ont résolument refusé de révéler un seul renseignement à leurs tortionnaires, ce qui a mené à leur transfert au camp d’extermination d’Auschwitz, où Karl Fleischman est mort. Les deux artistes ont fait preuve d’un immense courage pour tenter de briser leur isolement en créant des œuvres qui faisaient contrepoids au discours public des nazis.

Veuillez lire attentivement le texte du Dr Karel Fleischman, artiste et médecin interné à Theresienstadt :

« Moi aussi, j’ai fait toutes sortes de choses. J’ai aidé les autres, et je me suis aidé par le fait même. J’ai pris des crayons et des pinceaux et je les ai utilisés comme un tremplin pour atteindre un monde imaginaire. Je voulais voir le monde différemment, le vivre différemment. Dans les centaines de tableaux que j’ai réalisés, j’ai toujours peint le même monde, mais également un monde qui changeait toutes les secondes. Un monde intemporel. »

Dr. Karel Fleischmann à Theresienstadt

« J’ai ignoré la réalité. J’ai lu des chroniques. J’ai étudié la physique, la chimie, l’économie, les langues et l’histoire de l’art. J’ai lu des livres sur la géographie et les voyages dans tous les endroits et à toutes les époques. Je fermais les yeux et j’avais envie de tout voir. On sonne à la porte, une menace. Traverser la rue, une torture. Une note laissée sur la table au dîner, inquiétude. La porte de l’appartement de ma mère, peur et anxiété. Ainsi va la vie au crépuscule. »

Musée d’art de la Shoah

Sujets et styles des œuvres d’art

La majorité des œuvres étaient petites et dépouillées. La plupart des tableaux et des dessins étaient réalistes et réalisés principalement à l’aquarelle, au charbon, à l’encre et au crayon, étant donné leur caractère pratique et leur disponibilité. Les observateurs de ces dessins et tableaux captivants sont invités à réfléchir à la représentation de l’artiste, au média utilisé et au sujet particulier, tout en gardant à l’esprit leur interprétation personnelle. L’œuvre en tant que document permet aux observateurs de saisir, au-delà des limites imposées par les mots et la langue, toute l’horreur de ces conditions abjectes créées par l’Homme. Au moment où nous observons ces œuvres, nous, en tant qu’observateurs et co-créateurs de sens, sommes témoins des conditions de détention horribles imposées à des dizaines de milliers de personnes et du non-respect absolu de leurs droits fondamentaux.

« Chercher les poux » par Helga Weissova. Encre et aquarelle.

« Chercher les poux » par Helga Weissova. Encre et aquarelle.

Source : « Je n’ai jamais vu un autre papillon » “I never saw another butterfly”

« Baraquements » par Eva Wollsteinerová. Crayon

« Baraquements » par Eva Wollsteinerová. Crayon

Source : « Je n’ai jamais vu un autre papillon » “I never saw another butterfly”

Paysages

Le calme et le réconfort inspirés par les magnifiques paysages représentés par de nombreux artistes constituent une réinterprétation des alentours des camps et permettent de briser l’isolement. Montrant un sombre contraste avec les vastes étendues inspirant un sentiment de liberté et de paix au-delà du périmètre du camp, le tableau de Karl Schwesig intitulé Mont Canigou sous la neige représente les différents niveaux d’emprisonnement du corps, de l’esprit et de l’âme incarnés par les montagnes qui surplombent le camp St-Cyprien et ses clôtures de fils barbelés.

Le « Neuvième fort », une œuvre saisissante réalisée par Esther Lurie montre le chemin vers la mort. Sa représentation idyllique de la magnifique route montre également, par effet de contraste, le chemin du meurtre et de la torture subie par plusieurs centaines de Juifs, y compris un grand nombre de jeunes enfants dans le ghetto de Kovno. Voici sa description bouleversante :

« L’un des sujets que j’ai peint de nombreuses fois, et toutes les saisons, a été la route de la vallée où se trouvait le ghetto et qui remontait jusqu’au « Neuvième fort » en haut d’une colline. Les grands arbres bordant la route lui donnaient un caractère particulier. Cette route remontant la colline est gravée dans ma mémoire en tant que « route de la torture »; je n’oublierai jamais les milliers de Juifs qui l’ont empruntée, des Juifs de Lituanie et d’Europe de l’Ouest, en route vers les camps de la mort. Certains jours, le ciel assombri créait une atmosphère de ténèbres et de tragédie qui reflétait bien nos sentiments. »

Portraits

L’art du portrait comprend un grand nombre d’œuvres d’art comme des dessins et des tableaux rescapés de la période de l’Holocauste. Les informations historiques inscrites sur des portraits choisis par l’artiste ou ayant fait l’objet d’une commande constituent une caractéristique unique de l’art de l’Holocauste. Ces informations historiques comprennent le nom de l’artiste et le nom du modèle et, ce qui est assez unique à cette période, le jour, le mois, l’année, l’emplacement et parfois même une dédicace. Une example est Portrait of Dr. Mautner par Malva Schaleck.

Ces artistes ont laissé des témoignages à l’intention de l’observateur, du lecteur et de l’interprète, et cette personne, c’est vous. Nous sommes invités dans l’intimité sacrée des vies réduites au silence, ce qui nous impose un devoir de mémoire. Chacun de nous, à titre de lecteur et d’observateur, a la possibilité d’aller au-delà du texte et de l’image, et de pénétrer dans l’intimité des gens représentés dans ces albums historiques.

Notes en bas de page

  • Karl Fleischman. A Day in Theresienstadt. Theresienstadt Archives, L303 401, p.5. Traduit du tchèque par Rachel Har Zvi.
  • Esther Lurie. Living Testimony—Ghetto Kovno. Dvir, Tel Aviv, 1958. P.10
  • Karl Fleischman. Erich Monck—A Shadow of a Man Theresienstadt Archives, L303 401, p.5. Traduit du tchèque par Rachel Har Zvi.
  • Esther Lurie. « Notes of an Artist », tiré de Notes for Holocaust Research, deuxième collection, Février 1952, p.113
  • Karl Fleischman. Erich Monck—A Shadow of a Man, p.1

ACTION 1

Penser

Qu’avez-vous appris?

  • L’art de l’Holocauste est unique dans sa façon de représenter un moment et un lieu. En quoi les tableaux et les dessins créés au cours de cette période de l’histoire sont-ils différents de ceux d’autres périodes importantes de l’histoire?
  • Écrivez un court texte sur les fonctions importantes de l’art de l’Holocauste pendant cette période et comparez-les avec le rôle de l’art à titre de document historique, en choisissant des exemples dans cette collection.
  • Quelle est votre opinion sur les valeurs inhérentes aux notions de « beauté et de laideur »? Quelles tensions sont présentes dans les valeurs esthétiques évoquées dans les œuvres d’art et la nature des représentations tragiques?
  • Nommez trois tensions différentes découlant de la « subjectivité » et de « l’objectivité ». Comment les tensions se manifestent-elles dans l’opposition entre l’expression artistique (personnelle) et le témoignage documentaire (historique, factuel)?
  • De quelle façon aborderiez-vous le sujet de l’Holocauste sur le plan artistique? Quelles sont les principales questions auxquelles vous aimeriez répondre avant de créer une œuvre d’art en réaction à l’Holocauste

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