Unité 2
Genocide

Chapitre 4
Le génocide rwandais

Unité 2
Genocide

Chapitre 4
Le génocide rwandais

Outils éducatifs

Demandez-vous :

  • Actuellement, y a-t-il des conflits dans lesquels la communauté internationale n’intervient pas adéquatement?
  • À quel moment la communautés internationales est-elles intervenues de manière positive?
  • Quel rôle les soldats de la paix jouent-ils dans les situations conflictuelles? Quelles situations méritent notre participation et est-il parfois approprié que les soldats de la paix utilisent la force?
  • Comment une période de deuil collectif peut-elle aider les jeunes Rwandais à se souvenir du passé, surtout si on tient compte que beaucoup d’entre eux sont nés après le génocide?

Ceci s’est réellement produit

Au Rwanda, le conflit ethnique entre les Hutus et les Tutsis s’est déclenché en avril 1994, même si la tension montait depuis des années. La distinction entre les deux groupes, les Tutsis propriétaires de bétail et les Hutus pastoraux était initialement inexistantes. Les familles, amis et voisins se côtoyaient dans l’harmonie. Cependant, lorsque les colons belges ont introduit leur nouveau système de cartes d’identité, les différences entre la minorité tutsie et la majorité hutue sont devenues plus évidentes. Quand les Tutsis ont été placés au pouvoir par les autorités belges, la majorité hutue a commencé à critiquer leur influence et les disparités économiques entre les deux groupes. Dans les années menant au génocide de 1994, les deux groupes ethniques se sont disputés le pouvoir et les idéologies extrémistes sont devenus très populaires.

Le 5 avril 1994, le président rwandais Juvénal Habyiarimana, le président burundais Cyprien Ntaryamira et d’autres dignitaires étaient dans un vol les amenant de Dar es Salaam, en Tanzanie, à Kigali, au Rwanda. Alors qu’ils s’approchaient de l’aéroport de Kigali, l’avion a été abattu et s’est écrasé, tuant tous ses passagers. La majorité hutue a immédiatement accusé la minorité tutsie d’avoir orchestré l’attaque et a commencé le massacre systématique des Tutsis rwandais qui a duré 100 jours. Les sources officielles rapportent environ 800 000 morts alors que les voisins s’entretuaient dans des actes de violence sans précédent provoqués par la milice hutue, appelée Interahamwe.

Survivant du génocide rwandais

Survivant du génocide rwandais

Survivante du génocide rwandais, Kigali, Rwanda

Survivante du génocide rwandais, Kigali, Rwanda

Crédit photo : Yuri Dojc 2014

Chacun de ces crânes représente un être humain : une mère, un père, un fils, une fille, un(e) ami(e)...

Chacun de ces crânes représente un être humain : une mère, un père, un fils, une fille, un(e) ami(e)…

Crédit photo : Yuri Dojc 2014

ACTION 1

Faire

La signification des mots et la puissance de la rhétorique

Avant et pendant le génocide, la radio était le principal moyen de communication. Partout dans le pays, les Rwandais l’écoutaient quotidiennement. Ce média a permis la propagation de la haine ethnique. Le 22 novembre 1992, lors d’une conférence d’un parti politique, Léon Mugesera a tenu un discours incendiaire mettant l’emphase sur les dangers potentiels du soulèvement de la minorité tutsie. Il a traité les Tutsis de « inyenzi », qui signifie coquerelle (cafard), un nom qui est devenu une partie intégrante de la machine de propagande anti-Tutsie et des diffusions radio. Aujourd’hui encore, le mot  « inyenzi » véhicule une forte charge émotive et est évité par la plupart des Rwandais.

  • Léon Mugesera a fui le Rwanda peu après son discours et a résidé au Québec pendant de nombreuses années jusqu’à sa déportation en 2012. Au Rwanda, Mugesera a subi un procès pour incitation au génocide et à la haine ethnique. Imaginez-vous faire partie du jury. De quels éléments devriez-vous tenir compte pour décider si le discours de Mugesera le rend coupable ou non? Comparez vos critères avec ceux d’un partenaire; sont-ils similaires ou différents? Les transcriptions de ces discours sont conservées par l’Institut montréalais d’études sur le génocide et les droits de la personne de l’Université Concordia.
  • Y at-il eu une autre situation historique où des mots ou discours ont incité à la violence ou à la haine? Dessinez un tableau à deux volets ou un diagramme de Venn pour identifier les ressemblances et différences entre ces deux situations.

Le 15 avril, 2016, Léon Mugesera a été condamné par la Haute Cour du Rwanda, à la prison a vie, pour incitation au génocide.

Au cours de son procès au Rwanda, Léon Mugesera a nié toutes les accusations formulées contre lui. Il a dit qu’il a immigré du Rwanda au Canada avant le génocide en 1994.

“La Cour estime que M. Mugesera est coupable, il est un complice de ceux qui ont commis le génocide, car il a directement incité à commettre le génocide et la torture constitutive de crime contre l’humanité, et incité à la haine ethnique” — Le juge Antoine Muhima

ACTION 2

Faire

Le rôle des observateurs internationaux : comment pouvons-nous travailler ensemble en tant que communauté internationale?

Selon la journaliste de terrain Linda Melvern, « Les violentes divisions du Rwanda auraient été plus faciles à guérir et son histoire tragique aurait pu se dérouler autrement si ce n’était de l’influence de forces étrangères. » Le commandant des forces onusiennes au Rwanda, le lieutenant-général Roméo Dallaire, a demandé à maintes reprises des renforts au quartier général de New York. Ses demandes ont été refusées à répétition. En fait, l’ampleur de sa mission a été réduite pendant le génocide, et ce, malgré les protocoles établis dans la Convention de Genève de 1948.

A. Avec un partenaire, créez une liste d’autres situations dans lesquelles la communauté internationale n’est pas intervenue adéquatement. Est-ce que cette liste contient des conflits actuels? Quand la communauté internationale est-elle intervenue de manière positive?

B. Les médias sociaux regroupent les communautés mondiales et facilitent le partage de renseignements de manière continuelle. Dans notre monde actuel où les renseignements sont facilement accessibles, quels médias sociaux (Facebook, Instagram, Twitter, etc.) pouvons-nous utiliser pour éviter les abus des droits de la personne? Croyez-vous que les événements au Rwanda auraient été différents s’ils avaient été partagés dans les médias sociaux? Comparez ceci aux Printemps arabe où les médias sociaux ont été largement utilisés pour mettre en lumière l’injustice et offrir des mises à jour en temps réel.

Gerbe de fleurs pour commémorer le génocide rwandais

Gerbe de fleurs pour commémorer le génocide rwandais

Crédit photo endgenocide.org

ACTION 3

Faire

Roméo Dallaire et les soldats de la paix

Roméo Dallaire et les soldats de la paix

Romeo Dallaire

Crédit photo Worldwide Streamer Speakers

Le lieutenant-général Roméo Dallaire est un des chefs militaires et défenseurs des droits de la personne les plus respectés au Canada. Avant sa retraite, il a occupé plusieurs fonctions militaires importantes, dont celle de commandant de la Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR). Sa mission l’a placé au centre d’un génocide et d’une guerre civile brutale qui l’ont profondément touché. Lors de son retour au Canada, il a souffert de troubles mentaux et a ensuite reçu un diagnostic d’état de stress post-traumatique. Dans l’introduction de ses mémoires primées, J’ai serré la main du diable : la faillite de l’humanité au Rwanda, il écrit :

« J’ai quitté le Rwanda depuis maintenant neuf ans, mais alors que j’écris ces mots, les sons, odeurs et images sont aussi nets que s’ils venaient de se produire. C’est comme si on m’avait ouvert le cerveau et qu’on y avait ajouté les horreurs du Rwanda, une image tachée de sang à la fois. Je ne pourrais pas les oublier même si je le voulais. Pendant plusieurs de ces années, j’ai voulu retourner au Rwanda et disparaître dans ses collines turquoises avec mes fantômes. Un simple pèlerin cherchant le pardon et la rémission. Alors que je commence lentement à refaire ma vie, je sais qu’il est temps pour moi d’entreprendre un pèlerinage encore plus difficile : voyager dans tous ces terribles souvenirs afin d’y retrouver mon âme. »

Dallaire, J’ai serré la main du diable, pp. 4-5
J'ai serré la main du diable

J’ai serré la main du diable

Source : Youtube.com

Le lieutenant-général Dallaire n’est pas seul à avoir des séquelles des atrocités de la guerre. Les soldats revenant des zones de combat doivent souvent vivre avec de profondes cicatrices psychologiques. L’expérience des soldats canadiens qui ont servi outre-mer pendant le 20e et le 21e siècle est difficile à comprendre pour les gens qui sont restés au pays. Il est important de reconnaître que les horreurs de la guerre ont un impact sur toutes les personnes impliquées, dont les soldats de la paix et les observateurs internationaux.

A. Son impuissance face à la situation est une des raisons pour lesquelles le lieutenant-général Dallaire a été si bouleversé par les événements au Rwanda. Discutez des points suivants :

  1. Quel rôle les soldats de la paix jouent-ils dans les situations conflictuelles?
  2. Quelles situations méritent notre participation et est-il parfois approprié que les soldats de la paix utilisent la force?

B. Il est important de reconnaître les problèmes auxquels font face beaucoup de soldats lorsqu’ils reviennent au pays.

  1. Comment aidons-nous nos vétérans et comment pouvons-nous faciliter leur retour?
  2. Croyez-vous qu’il est important d’implémenter des systèmes pour les aider quand ils rentrent?

C. Du régiment aux bâtiments est un programme existant qui vise à aider les vétérans en leur permettant de développer de nouvelles aptitudes et de suivre des formations.

  1. Quels autres programmes pourrions-nous mettre en place pour faciliter le retour des soldats et les aider à relever les défis auxquels ils font face?

ACTION 4

Faire

Comment nous souvenons-nous?

Même si le Rwanda a beaucoup changé dans les années suivant le génocide, certaines parties du pays sont encore sous-développées et très pauvres. Le Kigali Memorial Centre (KMC) contient des dépouilles de plus de 250 000 victimes du génocide, ainsi qu’un compte-rendu détaillé des événements de 1994, des artéfacts personnels, des témoignages vidéo et un mémorial des enfants. Malheureusement, les Rwandais n’ont pas tous accès au musée et à ses ressources. Le KMC et son partenaire, Aegis Trust, sont en train de créer une exposition mobile qui voyagera dans le pays pour instruire les jeunes.

A. Choix d’artéfacts
Si vous pouviez contribuer à la conception de l’exposition mobile, quels types d’artéfacts personnels ou sources originales y présenteriez-vous? Utiliseriez-vous des photos, des témoignages vidéo et/ou des comptes-rendus écrits? Créez un modèle de votre présentation avec des images, dessins et/ou mots.
http://bit.ly/documentationgenociderwandais
http://www.genocidearchiverwanda.org.rw/index.php/Welcome_to_Genocide_Archive_Rwanda
(Pour les documents en français recherche français.)

B. Créer votre exposition sur le génocide rwandais
Dans la plupart des cas, les Rwandais de descendance hutue et tutsie visiteront l’exposition ensemble. Même si les termes ne sont plus utilisés, il est important de se rappeler que chaque personne apporte sa propre histoire et son expérience de vie. Il est important de s’assurer que toutes les personnes se sentent en sécurité et à l’aise.

  1. Quel genre d’activité pourriez-vous proposer à un groupe d’élèves qui visitent l’exposition?
  2. En groupe, discutez de ces problèmes en faisant du théâtre ou de l’art, en écrivant ou en racontant des histoires.

La plupart des villages au Rwanda ont des pierres commémoratives et des fosses communes dédiées aux victimes du génocide. Dans les années suivant le génocide, des dépouilles ont été enterrées dans ces fosses communes à mesure qu’elles étaient découvertes. Certaines communautés ont choisi de conserver les sites des massacres intacts pour se souvenir des atrocités qui y ont eu lieu plutôt que d’enterrer les corps selon la tradition. Chaque mois d’avril, les Rwandais se regroupent pour se souvenir des victimes du génocide. La période de commémoration commence par une semaine de services commémoratifs suivie d’une période du souvenir de 100 jours qui comprend une nouvelle programmation musicale et le port d’habits de couleur gris cendre.

Rwanda - Carly Bardikoff

Rwanda – Carly Bardikoff

Penser

C. Pourquoi se rappeler?

  1. Pourquoi est-il important de commémorer les atrocités du passé?
  2. Comment une période de deuil collectif peut-elle aider les jeunes Rwandais à se souvenir du passé, surtout si on considère que beaucoup d’entre eux sont nés après le génocide?
  3. Pouvez-vous nommer d’autres exemples où des groupes se sont réunis pour se rappeler en tant que communauté?

Faire

D. Choix d’images on images

Choisissez une des images du Rwanda ci-dessous et écrivez un sous-titre, un poème ou une réflexion qui associe le thème du souvenir à l’image. Trouvez ensuite un camarade de classe qui a choisi la même image et comparez vos réponses.

École à Rwanda

École à Rwanda

Crédit photo : Carly Bardikoff

Un groupe d'écoliers rwandais dansent sous les applaudissements de leurs camarades.

École à Rwanda

Credit: Carly Bardikoff

ACTION 5

Penser

Retour à la vie de village : Comment pouvons-nous guérir ensemble?

Ce qui a rendu le génocide du Rwanda unique est que les voisins, amis et familles s’entretuaient pendant que le pays était en guerre civile. Les Hutus et Tutsis étaient si inter-reliés et le niveau d’implication dans le génocide était tellement omniprésent que la suite des événements a présenté de nouveaux défis. Durant les 100 premiers jours, le nombre de morts s’est élevé à environ 800 000, ce qui signifie qu’en moyenne 10 000 personnes étaient tuées chaque jour. On peut affirmer aussi qu’il était extrêmement difficile d’identifier l’auteur de chaque crime et que la poursuite en justice de toutes les personnes responsables serait un long et pénible processus. Alors que les personnages politiques importants et les chefs de  l’Interahamwe étaient envoyés au tribunal des Nations unies à Arusha, en Tanzanie, le système judiciaire traditionnel de Gacaca a été réinstauré pour promouvoir la paix et la réconciliation dans les communautés villageoises.

A. Dans beaucoup de cas, les tribunaux Gacaca ont mis les familles en contact direct avec les personnes accusés d’avoir tué leurs êtres chers pour qu’elles puissent écouter leurs récits.

  1. Même si des confessions de cette nature peuvent être difficiles à imaginer, pouvez-vous vous rappeler un moment de votre vie où vous avez dû avouer quelque chose et écouter la confession de quelqu’un?
  2. Décrivez comment vous vous êtes senti dans votre journal. Feriez-vous les choses différemment la prochaine fois que vous révélez quelque chose ou écoutez une confession?

B. Le génocide a eu lieu en même temps qu’une guerre civile qui a ravagé le pays et créé une crise des réfugiés en Afrique orientale. Après 1994, beaucoup de Rwandais sont restés longtemps loin de leur maison ou dans des camps de réfugiés.

  1. Imaginez-vous revenir à la maison après un long voyage, de quoi auriez-vous hâte?
  2. Qu’est-ce qui aurait pu changer pendant votre absence?
Campagne du district de Nyamasheke.

Campagne du district de Nyamasheke.

Crédit photo Carly Bardikoff

Après le génocide — Une entrevue

School in Rwanda

Mon nom est Carly et je suis récemment revenue au pays après avoir habité au Rwanda pendant un an et demi. J’ai passé un an dans un village rural du sud-ouest à former des enseignants et six mois à faire l’édition de magazines dans la capitale, Kigali. J’ai été ébahie par la beauté du pays et très impressionnée par son changement et son développement depuis les événements de 1994. Ma famille et mes amis étaient très intéressés par mes expériences, d’autant plus qu’ils associaient le pays aux tueries et à l’instabilité politique. J’ai pensé que je pourrais en profiter pour partager mes réflexions ici et répondre aux questions posées sur la vie au Rwanda.

Comment vous êtes-vous préparée pour déménager au Rwanda? Est-ce que les choses se sont passées comme vous l’aviez prévu ou différemment?
En 2006, j’ai visité le Ghana en Afrique occidentale et j’ai été absolument épatée par les gens que j’ai rencontrés et les endroits que j’ai visités. Ce voyage m’a enrichit et j’ai par la suite travaillé et fait du bénévolat dans divers pays d’Afrique. Avant de déménager au Rwanda, j’ai passé du temps en Ouganda, qui se trouve au nord de sa frontière et qui est ressemblant au niveau géographique et culturel. Ceci a rendu le Rwanda plus accessible et m’a donné encore plus envie de le visiter. J’ai aussi beaucoup lu sur l’histoire du Rwanda et le génocide, ce qui m’a aidé à comprendre le pays avant d’y déménager. Lorsque je suis arrivée au Rwanda, l’organisme pour lequel je travaillais m’a fait suivre une formation de deux semaines au sujet des enjeux culturels et politiques. Ils ont expliqué comment fonctionne la vie de village et m’ont donné des directives de base sur la manière de parler (ou d’éviter de parler) du génocide dans des situations courantes. Ils nous ont avisés de ne pas poser trop de questions personnelles, mais de toujours être prêt à écouter si quelqu’un veut partager des récits vécus.

Même si j’ai passé du temps en Ouganda, je ne pensais pas que le Rwanda serait si beau. Les luxuriantes collines vertes sont à couper le souffle. J’ai immédiatement compris pourquoi le Rwanda est appelé « le pays des mille collines ». J’ai aussi été surprise par la propreté du pays, surtout à Kigali, où les gens nettoient les rues chaque jour! C’était très différent des autres villes africaines que j’ai visitées. Je savais à quel point le Rwanda s’était développé depuis 1994, mais le voir en personne était complètement différent. J’arrivais parfois à oublier ce qui s’était passé, mais les monuments commémoratifs mauves visibles de la route dans chaque village ne tardaient pas de me le rappeler.

Est-ce qu’il y a des problèmes liés au génocide dans la vie quotidienne?
Je crois que ça dépend dans quelle partie du pays vous habitez et ce que vous faites. J’ai habité dans un village où la majorité de la population tutsie a été tuée en 1994. Même si beaucoup de réfugiés tutsis sont revenus après le génocide, la plupart ont déménagé à Kigali. Il y avait un monument commémoratif et une fosse commune près de l’église du village où avaient lieu des services commémoratifs chaque mois d’avril. La plupart des personnes avec qui j’ai travaillé n’ont presque pas ou pas du tout mentionné le génocide, mais certaines faisaient allusion au fait que leur vie a changé ou qu’ils ont perdu des membres de leur famille. Ils étaient heureux d’apprendre que j’étais Canadienne puisque les soldats de la paix canadiens sous les ordres du lieutenant-général Dallaire étaient tenus en haute estime. Parfois, je regardais autour de moi et je me rendais compte que je me trouvais à un endroit où des gens ont été tués ou se sont réfugiés. Je me suis toujours demandé si les Rwandais à mes côtés pensaient aussi à cela, mais je savais que je ne pouvais pas leur poser la question. Les personnes qui ont travaillé dans des domaines directement liés au génocide, comme l’aide psychologique et la prévention du génocide, auraient évidemment des réponses différentes.

As-tu entendu des récits personnels?
Même si je ne pouvais pas demander à mes voisins et collègues de me raconter leur expérience, certains l’ont fait de leur propre gré. Un jour, j’ai voyagé avec quelqu’un travaillant sur les routes dans mon village et, sans prévenir, il m’a parlé de ce qui était arrivé à sa famille. Alors qu’il était encore un jeune garçon, il a perdu son père et la plupart de ses frères et sœurs aux mains de l’Interhamwe (la milice hutue). Pour lui, chaque jour est un combat et il comprend intimement les difficultés de la vie dans une société post-génocide. J’ai entendu plusieurs autres histoires ou parties d’explications racontant pourquoi une personne était orpheline ou pourquoi il était important de développer le système d’éducation.

Scene of sprawling hills emerge through some fog and low hanging clouds.

Aviez-vous peur ou sentiez-vous que vous n’étiez pas en sécurité?
En général, les Rwandais traitent leurs visiteurs avec respect et hospitalité. Les gens que j’ai côtoyés au travail et aux deux endroits où j’ai habité étaient très chaleureux et heureux de me rencontrer. De manière générale, je ne me sentais jamais en danger. Je revenais seule le soir sans m’inquiéter, quelque chose que je ne fais pas souvent à Toronto. Même s’il y a encore des tensions ethniques, je ne me suis jamais sentie menacée et je n’ai jamais craint un nouveau génocide. Parfois, lorsque je voyageais en transport en commun dans les milieux ruraux, je regardais autour de moi et me demandait ce que les gens assis à côté de moi avaient fait en 1994. Cependant, comme le pays a mis l’emphase sur l’importance d’aller de l’avant, je compris que je devais respecter cela et faire de même. Le seul moment où je me suis inquiétée est lorsqu’il y a eu des tensions au niveau de la frontière avec la République démocratique du Congo, mais il s’agissait d’une situation externe et non interne.

Avez-vous visité le Kigali Genocide Memorial Centre? Comment vous êtes-vous sentie?
J’ai visité le musée du génocide à quelques reprises, et, à la fin de mon séjour, je connaissais quelques employés. J’ai été impressionnée par la quantité de renseignements dans le musée, tous présentés en kinyarwanda, en anglais et en français. Le musée était aussi rempli d’artefacts personnels et de témoignages vidéo difficiles à regarder, mais qui aident à comprendre ce que les gens ont vécu. Chaque personne réagit aux expositions à sa manière, mais la plupart sont profondément bouleversées. Pour moi, l’expérience a été très triste, mais j’ai apprécié l’attention portée à la préservation de la mémoire des personnes décédées. En plus de l’exposition sur le génocide, le musée a aussi un mémorial pour les enfants ainsi qu’une exposition sur les autres génocides dans le monde. Il y a également des jardins commémoratifs et des fosses communes à l’extérieur où les gens peuvent laisser des fleurs. Le musée est très différent des musées sur l’holocauste que j’ai visités à Washington et en Israël puisqu’il abrite les dépouilles des victimes.

Autorisations accordées par l’auteur, Carly Bardikoff

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