Unité 3
Les préjugés et la discrimination

Chapitre 3
Islamophobie

Unité 3
Les préjugés et la discrimination

Chapitre 3
Islamophobie

Outils éducatifs

Demandez-vous :

  • Au cours de votre vie, avez-vous déjà été confronté à quelque chose de nouveau ou à une nouvelle personne en manifestant un manque d’ouverture? Soyez aussi honnête que possible en décrivant l’événement. Expliquez ce que vous avez appris, puis partagez-le avec un partenaire.
  • Si vous êtes musulman, avez-vous déjà été victime d’un préjugé ou de discrimination? Si c’est le cas, parlez de votre expérience aux non-musulmans.

Au cours des dernières années, il y a eu une augmentation de l’immigration de personnes s’identifiant comme des musulmans en Occident, notamment dans les pays de l’Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord. Étant donné la méconnaissance de certains occidentaux de l’islam et des musulmans, et en raison d’événements récents comme le 11 septembre, la guerre en Iraq et des actes de terrorisme isolés, certaines personnes avouent ouvertement ou en privé ne pas comprendre l’islam et les musulmans, ou même en avoir peur ou les détester. L’assujettissement des femmes et des filles, des minorités religieuses et des homosexuels dans le monde islamique est une autre source de perceptions négatives de l’Islam.

Définitions

La définition de l’islamophobie

L’islamophobie est défini comme un « effroi ou la haine de l’islam et, par conséquent, la peur et l’aversion de tous les musulmans »

Source : Runnymede Report, 1996

Islamophobie Groupe de discussion

Islamophobie Groupe de discussion

Islam

L’islam est une religion monothéiste pratiquée par plus de 1,8 milliard de personnes dans le monde (il y a en revanche 2,3 milliards de chrétiens dans le monde). Les adeptes de l’Islam sont appelés musulmans. Les deux principales sectes, ou confessions, de l’Islam sont les sunnites (87 à 90 %) et les chiites (10 à 13 %). Certaines choses que l’Islam partage avec le judaïsme et le christianisme incluent la croyance en un Dieu unique. Les trois religions partagent également la reconnaissance de prophètes comme Moïse et Abraham. Ensemble, le judaïsme, le christianisme et l’islam sont appelés les religions abrahamiques, du nom du prophète Abraham. L’Islam reconnaît également Jésus comme prophète et une sourate (chapitre) du Coran (écriture musulmane) porte le nom de Marie, la mère de Jésus.

Opinions ouvertes ou fermées sur l’islam

On peut aborder l’islam et les musulmans avec des opinions ouvertes ou fermées, et les opinions fermées sont celles qui sont davantage associées à l’islamophobie. Le Runnymede Report (1996) identifie huit opinions fermées sur l’islam :h either open or closed views, and closed views are the ones that are more associated with Islamophobia. Here are eight closed views of Islam as identified by the Runnymede Report (1996):

L’islam est perçu comme :

  • Un bloc monolithique, statique et réfractaire au changement.
  • Séparé et « autre ». Il ne partage pas de valeurs avec les autres cultures, il n’est pas influencé par celles-ci et ne les influence pas en retour.
  • Inférieur à l’Occident. Il est perçu comme barbare, irrationnel, primitif et sexiste.
  • Violent, agressif, menaçant, partisan du terrorisme et engagé dans un choc des civilisations.
  • Une idéologie politique, utilisée pour obtenir un avantage politique ou militaire.
  • Les critiques de « l’Occident » formulées par les musulmans sont rejetées d’emblée. 
  • L’hostilité envers l’islam est utilisée pour justifier des pratiques discriminatoires envers les musulmans et leur exclusion de la société.
  • L’hostilité envers les musulmans est vue comme naturelle et normale. (Wikipédia, 2013)

ACTION 1

Faire

Voir l’autre

Au cours de votre vie, avez-vous déjà été confronté à quelque chose ou quelqu’un de nouveau, en manifestant un manque d’ouverture ou de l’hostilité? Soyez aussi honnête que possible, décrivez l’événement, ce que vous avez appris et partagez-le avec un partenaire.

Avec un partenaire, créez une liste de huit opinions empreintes d’ouverturesur l’islam et les musulmans qui font contrepoids aux opinions hostiles présentées ci-dessus.

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Jeune Kényane lisant des versets du Coran lors du cinquième jour du mois saint musulman de Ramadan, dans une madrassa de Nairobi, au Kenya.

Jeune Kényane lisant des versets du Coran lors du cinquième jour du mois saint musulman de Ramadan, dans une madrassa de Nairobi, au Kenya.

Crédit Photo AP Photo/Sayyid Azim

Critiquer le terme

Certaines personnes ont critiqué l’utilisation du terme islamophobie, affirmant que qualifier les critiques de l’islam d’islamophobes empêche une discussion honnête et des critiques de la religion. D’autres ont critiqué le terme islamophobie dans la mesure où les musulmans sont plus souvent la « cible de l’hostilité » que la religion elle-même, et qu’un meilleur terme serait donc antimusulmanisme.

La Bridge Initiative de l’Université de Georgetown affirme : « L’islamophobie n’inclut pas la critique rationnelle de l’Islam. Cependant, il est islamophobe que la critique de l’islam soit formulée dans le seul but de prôner des mesures sociales et politiques discriminatoires et violant les droits des musulmans.»

Certains faits de base sur l’islam

  • Il y a plus de 1,5 milliard de musulmans dans le monde.
  • Le livre saint de l’islam est appelé le Coran. La langue arabe est la langue du Coran bien qu’il ait été traduit dans plusieurs langues au fil du temps.
  • L’islam a été fondé il y a environ 1400 ans par le Prophète Mahomet, qui est considéré, par les musulmans comme le dernier prophète dans la lignée d’Abraham.
  • Les musulmans n’ont pas le droit de manger de porc et de boire de l’alcool.
Des musulmans qui accomplissent le Hajj, ou le pèlerinage à La Mecque, en Arabie Saoudite

Des musulmans qui accomplissent le Hajj, ou le pèlerinage à La Mecque, en Arabie Saoudite

Crédit Photo iStock

Les cinq piliers ou préceptes de l’islam :

  • La profession de foi : le musulman accepte qu’il n’y a qu’un seul Dieu et que Mahomet est son prophète.
  • La prière : prière rituelle que tous les musulmans doivent effectuer cinq fois par jour.
  • L’aumône (Zakât) : tous les musulmans sont tenus de donner chaque année 1/40 (2,5 %) de leur revenu annuel aux pauvres.
  • Le jeûne : les musulmans sont tenus de jeûner (aucune nourriture ni boisson) du lever au coucher du soleil pendant le mois saint de Ramadan.
  • Pèlerinage : tous les musulmans qui peuvent se le permettre physiquement et financièrement sont tenus d’effectuer un pèlerinage à la Mecque (voyage en terre sainte) au moins une fois dans leur vie.

Selon le recensement de 2021, 1 775 715 musulmans vivent au Canada, soit 4,9 % de la population. Il y a 421 710 musulmans vivant au Québec. Dans le Grand Montréal, les musulmans constituent 8,7 % de la population et comprenait un grand nombre de personnes d’origine marocaine, algérienne et libanaise.

Une jeune femme musulmane

Une jeune femme musulmane

ACTION 2

Penser

Comprendre l’islam et la vie des musulmans

Que savez-vous sur l’islam ou les musulmans? À moins que vous ne soyez vous-même musulman, connaissez-vous un musulman? Parmi les faits mentionnés ci-dessus, lesquels connaissiez-vous déjà? Partagez avec un partenaire.

ACTION 3

Chercher

Quand les médias réagissent

Lisez l’article suivant de Karima Bennoune, professeur à l’Université California-Davis, écrit à la suite de l’attentat à la bombe du marathon de Boston, le 15 avril 2013. Dans cet article, trouvez et soulignez le plus de mots, phrases et concepts inconnus que vous le pouvez. En ligne, cherchez les définitions ou des renseignements supplémentaires.

Après avoir lu l’article, effectuez un jeu de rôles avec un partenaire où Karima Bennoune donne une entrevue à un journaliste au sujet de l’article. Posez au moins trois questions de cette façon et répondez-y. N’hésitez pas à faire des recherches en ligne pour trouver les questions et les réponses.

L'attentat à la bombe lors du marathon de Boston constitue matière à réflexion pour les agences antiterroristes dans le monde.

L’attentat à la bombe lors du marathon de Boston constitue matière à réflexion pour les agences antiterroristes dans le monde.

Crédit Photo : David L Ryan/AP (The Guardian, RU)

40 jours après l’attentat à la bombe de Boston : Nous devons arrêter le jihad

« Nous devons cesser de trouver des excuses pour les frères Tsarnaev ou le jihad. C’est mal. Soutenons les musulmans pacifiques dans le monde. »

Par Karima Bennoune

Dans plusieurs sociétés musulmanes, le 40e jour qui suit un décès est le moment de se rassembler et de faire le deuil avec nos êtres chers. Ainsi, en l’honneur de ce 40e jour suivant les atrocités commises à Boston, je repense aux 264 personnes blessées, dont certaines doivent apprendre à vivre sans leurs jambes, et aux victimes décédées : Lingzi Lu étudiante chinoise diplômée âgée de 23 ans, qui venait tout juste de terminer ses examens, Krystle Campbell, une sympathique serveuse âgée de 29 ans et Martin Richard, un garçon âgé de 8 ans, qui portait une affiche maintenant célèbre disant « Arrêtons de blesser les gens. Paix. »

En gardant ces pertes à l’esprit, je souhaite demander à tous les gens qui veulent appuyer les droits des personnes de confession musulmane aux États-Unis dans la foulée de l’attentat à la bombe de Boston de ne pas le faire en invoquant que le terrorisme jihadique est une réaction à la politique étrangère américaine ou une conséquence des prétendues difficultés des jeunes musulmans à s’intégrer à la culture américaine, ou encore le résultat du bombardement de la Tchétchénie par les Russes.

Nous sommes nombreux à critiquer la politique étrangère américaine et celle d’autres pays; l’intégration peut en effet être difficile pour les immigrants dans de nombreux contextes et les Tchétchènes ont vraiment souffert de la dévastation horrible de leur pays par les militaires russes de 1992 à 2009.  (À ma connaissance, les États-Unis n’ont jamais bombardé cette province.) Toutefois, la plupart des musulmans, des immigrants et des Tchétchènes ne sont pas devenus des terroristes pour autant.  Ces événements ne sont pas des excuses ni même des explications à la décision d’assassiner délibérément des enfants et de jeunes gens lors d’un événement sportif. Un tel crime international n’a rien à voir avec les récriminations légitimes et tout à voir avec l’idéologie et les mouvements extrémistes qui endoctrinent et instrumentalisent les jeunes. Nous devons éradiquer ces mouvements qui ont tué tant de civils, particulièrement dans les pays à majorité musulmane comme l’Afghanistan, l’Algérie, l’Iraq et le Pakistan.

Je viens de passer trois ans à interviewer des centaines de personnes d’origine musulmane qui travaillent contre le fondamentalisme et le terrorisme dans le monde, et elles m’ont appris beaucoup de choses qui me sont utiles aujourd’hui. Par exemple, Cherifa Kheddar, présidente de l’Association des victimes du terrorisme islamique en Algérie, ou Djazairouna, qui a écrit tout de suite après le 15 avril pour dénoncer l’attentat à la bombe de Boston. Elle m’a dit :

« Nous ne pouvons pas l’emporter sur le terrorisme à l’aide d’un combat anti-terroriste sans mener un combat contre le fondamentalisme. »

Autrement dit, nous ne devons pas seulement lutter contre la violence des jihadistes, mais également contre l’idéologie sous-jacente de l’islamisme. Cette idéologie adopte une attitude discriminatoire à l’égard des musulmans et des non-musulmans (comme le prouve l’indignation de Tamerlan Tsarnaev lorsque l’imam a mentionné Martin Luther King, un non-musulman, lors d’un sermon) et comme le montre la distinction entre les « bons » et les  « mauvais » musulmans. L’islamisme justifie la violence délibérée contre les femmes et les civils, ou à tout le moins, crée un environnement qui la favorise.

Bien entendu, être un islamiste ou un jihadiste n’est pas la même chose qu’être un fervent musulman. Et cela ne facilite pas le débat lorsque les médias américains décrivent de façon simpliste la radicalisation comme le fait de devenir « plus religieux ». Ce processus est plutôt l’adoption d’une position politique dangereuse qui instrumentalise la religion au service d’un agenda extrémiste. La meilleure façon d’adopter une position favorable aux droits de la personne à la lumière des récents événements est d’appuyer les musulmans qui risquent leur vie pour dénoncer et défier ces mouvements.  De nombreuses personnes ont élevé la voix dans des endroits comme l’Afghanistan, mais ont rarement été entendues en Occident.

La discrimination contre les musulmans qui suit une atrocité comme l’attentat à la bombe de Boston est regrettable et inutile, tout comme l’est la réaction politiquement correcte, qui favorise la justification et le déni. Une jeune chercheuse irano-américaine a déclaré, lors d’une récente conférence sur l’islamophobie à l’Université de Californie à Berkeley, avoir été victime d’intimidation par des universitaires américains plus vieux pour avoir soulevé la question du fondamentalisme musulman, et de l’anti-racisme. Dans la semaine de l’attentat de Boston, on lui a dit que ce qu’elle appelle le « l’islamisme radical » n’existe pas. Pourtant, nous devons admettre la réalité de l’extrémisme.

De nombreuses personnes issues des milieux musulmans ont dénoncé la terreur, même si elles doivent elles-mêmes y faire face. Je pense à Diep Saeeda, une militante pour la paix dont j’ai fait la connaissance, qui a organisé des marches contre la violence des Talibans au Pakistan ou contre les lois sur le blasphème malgré les menaces voulant que des kamikazes s’attaqueraient aux manifestants. Ou aux femmes de l’Action Forum au Pakistan qui dénoncent régulièrement le terrorisme dans les journaux. En mars 2013, après une attaque visant les citoyens chiites de Karachi, elles ont écrit :         

« [e]ncore une fois, nous sommes témoins de scènes d’horreur lors d’un carnage… encore une fois, nous dénonçons la situation. Encore une fois, nous nous demandons combien de fois nous aurons à le faire avant que l’on décide de s’attaquer aux activistes religieux. »

Je pense aux Libyens qui ont envahi les rues de Benghazi en 2012 après le meurtre de l’ambassadeur américain Chris Stevens. Ou encore à l’activiste somalo-américain Abdirizak Bihi qui a fait campagne contre les efforts de recrutement de la milice islamique Al Shabaab au sein de la communauté somalo-américaine de Minneapolis, après le recrutement et la mort de son neveu. Nous devons appuyer ces gens et écouter ce qu’ils ont à dire.

Compte tenu de la nationalité des auteurs présumés de l’attentat à la bombe de Boston, j’ai beaucoup réfléchi à propos d’un merveilleux journaliste tchétchène que j’ai interviewé à Moscou en décembre 2010. Fervent musulman, Said Bitsoev, alors éditeur délégué du Novye Izvestia, un journal indépendant, était très préoccupé par le mal que ces mouvements font à sa province natale. « Il y a beaucoup de radicaux qui font beaucoup de mal à la Tchétchénie. Ils veulent que le pays revienne au Moyen-âge. »

Avant les guerres de Tchétchénie, la plupart des gens pratiquaient un soufisme spirituel, par opposition aux dogmes des extrémistes. Said lui-même détestait les radicaux, leurs restrictions additionnelles concernant les femmes et leurs nouvelles formes de violence. Il détestait particulièrement les milliers de jihadistes étrangers venus en Tchétchénie lors de la deuxième guerre. « Ils ont apporté beaucoup de peur. Je n’étais pas capable de dormir sans une arme à feu sous mon oreiller. » Ces combattants étrangers ont laissé derrière eux une nouvelle génération « d’islamistes radicaux » tchétchènes selon M. Bitsoev. « Le pire », me raconte Said, c’est qu’ils « chassaient les musulmans se réclamant de l’islam tolérant et les tuaient. » Il me donne l’exemple d’Umar Idrissov, âgé de 80 ans, un mufti d’Urus-Martan, au sud-ouest de Grozny, qui a été assassiné en 2000 par le groupe wahhabite « Les Loups de l’islam ». En fait, dans l’ensemble du Caucase, le clergé musulman libéral a été régulièrement ciblé par les extrémistes au cours des dernières années.

Said Bitsoev savait très bien que les Tchétchènes comme ces religieux assassinés, ou comme lui, restent relativement inconnus à l’échelle internationale. « Les radicaux intéressent le public parce qu’ils parlent fort. Nous, les gens normaux, sommes ennuyants », m’a-t-il confié. Nous devons appuyer la lutte quotidienne des gens comme Said, qui sont trop souvent invisibles, contre les personnes qui manipulent la religion pour en faire un instrument de terreur totalitaire.

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